marc schildge en/fr

kronos eros thanatos

exposition / peinture, encre, sculptures

/ introduction par Phillppe Malgouyres

«Ne me demandes pas pourquoi » répondit Mare à la question dc mon ceil qui venait de se poser sur une femme enfilant un cochon com me des bottes de pêche. Je n'allais certainement pas lui demander, mais me le demandais à moi-même. C’est mon pain quotidien: reconstituer l'oeuvre d'un artiste, devoir décider ce qu'il a fait et ce qu'iln’a pas fait, comprendre pourquoi, comment, quand et pour qui. Pour quelqu’un dont les fréquentations habituelles sont mortes depuis au moins deux cent cinquante ans, on pourrait croire que c'est une aubaine inespérée d'avoir enfìn un artiste vivant devant soi. Qui n'a jamais, au moins rhétoriquement, imaginé de pouvoir, par un trou de serrure dans le temps, observer directement pour le comprendre le travail du créateur?

Bien que ce soit étrange même à mes yeux, cela ne parait pas vraiment nécessaire.

Et puis, vraiment non, cela n'est pas indispensable, souvent pas même utile, en tout cas pas lorsque l'oeuvre se passe de paroles et se tient debout tonte seule, sans béquilles informatives ou biographiques.

C’est peut-être celte capacité à relâcher dans la nature, à rendre public et an public ces images, qui marque dans le fond la création artistique, dont l'auteur se voit immédiatement et presque irréversiblement privé.

Et c'est ce qui justifie le regard de l'historien, une sorte de spectateur de métier, non pour se substituer, usurper, accaparer mais simplement matérialiser ce passage.

En tout cas, je ne vois aucune contradiction entre l'intérêt que j'ai pour le travail de Mare Schildge, et celui pour les peintres et les sculpteurs du passé.

Les oeuvres sont là, impérieuses ou bafouillantes, évidentes ou fuyantes, à nous.

Mais assez de généralités.

Il faut eu revanche que je m'expliqne sur mes choix, et je crains que mes raisons ne soient pas bien convaincantes, même à mes propres oreilles.

Je connaissais ses grands tableaux, aux réseaux de couleur impersonnels, vertigineux dans leur superposition opaque, dont quelques uns sont moutrés ici.

Et aussi sa fascination durable pour les chaises... Et puis l'irruptiou de ces images archaïques, hallucinations tout aussi impersonnelles, d'une cruauté naïve, un vecteur de compréhension de ses oeuvres antérieures.

Peinture cursive, fugace, qui parle du desir et de la mort, tout aussi transitoires que le geste immobilisé par l'encre.

Le choix du pinceau, des papiers paraît une conséquence de sa vie au Japon mais est le développement d'un travail bien antérieur dans ces médiums.

C'est tout de même comme ça que j'ai voulu accueillir le visiteur, avec les grues qui semblent sorties d'un paravent de laque.

Je ne souhaitais pas conserver les séries mais les oeuvres ont été plus fortes et se sont imposées dans leur logique.

La plus saisissante d’entre ells, peut-être parce que la plus déconcertante, est celle des femmes avec deux miroirs, mirage spéculaire dans une grotte de viscères, dont Marc m'a expliqué qu'elle était née de la Bethsabée an bain de Rembrandt au Louvre.

Et il a raison: ce n 'est pas la peinture de l 'élue, c’est une oeuvre triste et violente qui résonne ici de la sainte terreur de la Grande Déesse.

Le déchaînement de cet univers intime et si peu individual, un jaillissement dont Marc n'est que le medium, est la dimension de son travail qui me touche le plus: des désirs et des peurs, des arbres et des corps, des morts et des vies.